Economie du jeu

Les jeux de hasard et d’argent sont pratiqués par la moitié de la population française. Ils représentent un poids économique important : près de 40 milliards de mises par an, dont 5 milliards reviennent à l’État sous forme de prélèvements fiscaux, et 100 000 emplois générés.

Si une très large majorité des joueurs pratiquent cette activité de manière mesurée, on estime que 600 000 d’entre eux sont engagés dans une pratique problématique engendrant des conséquences sanitaires ou sociales dommageables, dont 200 000 qui répondent aux critères définissant l’addiction au jeu.

L’évaluation des conséquences économiques et sociales des pratiques ludiques est une attente forte  des pouvoirs publics en vue d’adapter les politiques publiques en ce domaine. Au centre du débat se pose la question du bilan entre les coûts et les bénéfices que cette pratique génère pour l’ensemble de la collectivité.

 Une discipline de la science économique aborde cette problématique, l’économie du « bien être » qui peut être étudiée selon deux entrées :

  • le bien-être individuel, qui met en balance l’utilité instantanée procurée par le jeu (le plaisir ressenti) et les mécanismes conduisant à l’addiction avec ses conséquences néfastes au plan financier, de la santé mentale, de la cohésion familiale et sociale ;
  • le bien-être collectif, qui met en regard les recettes financières pour la collectivité (emplois générés, recettes fiscales) et les coûts générés par la lutte contre les addictions.

L’étude de l’impact du jeu de hasard et d’argent sur le bien-être collectif peut être menée à l’aide d’une analyse de type « Coût-Bénéfice ». L’estimation du coût social est un des outils, une première étape indispensable, même s’il ne s’intéresse qu’à la première dimension, celle du coût.

Au plan international, certains pays ont réalisé des études nationales sur l’estimation du coût social du jeu ; c’est le cas des États-Unis, du Canada, de l’Australie et de la Suisse (INSERM, 2008).

L’étude australienne, qui peut être considérée comme une étude de référence, aboutit à une estimation du coût social équivalent à 0,3/0,9 % du PIB, soit un coût supérieur à celui engendré par les drogues illicites. Les trois quarts de ce coût social du jeu seraient attribuables aux machines à sous (Australian Government Productivity Commission, 1999).

Une revue de littérature a été récemment réalisée pour le « Canadian Consortium for Gambling Research ». Elle a recensé et analysé près de 500 études dans le monde sur cette question. Au terme de ce travail, un cadre théorique est proposé pour le développement ultérieur de telles études. Les auteurs recommandent des approches tentant de mettre en perspective des évaluations de l’ensemble des impacts sanitaires, sociaux et économiques. Toutefois, ils soulignent qu’il n'existe pas de moyen fiable de combiner les impacts sociaux (dont il est difficile, et pas toujours pertinent, de donner une valeur monétaire) avec des impacts économiques exprimés en valeur monétaire pour produire une seule mesure synthétique. L’appréciation du bilan global des impacts est subjective (WILLIAMS, 2011).

En France, « rien sur le sujet », comme le souligne le rapport du sénateur Trucy (TRUCY, 2006). Dans le domaine des drogues, une telle approche a été initiée dans les années 1990. Elle a démarré par une évaluation du coût social puis s’est approfondie récemment par une évaluation « coût/bénéfice » (KOPP, 2003, 2004,2011).

La démarche de travail de l’ODJ

Pour avancer sur cette question, l’Observatoire des jeux (ODJ) s’engage dans une stratégie d’étude empirique et progressive, articulant

  • Un « état des lieux », objet de la présente étude;
  • Un appel à projets de recherche conjoint France/Québec, prenant en compte les conclusions de l’état des lieux dans la détermination des priorités, visant des étapes intermédiaires de production de connaissances sur les différents impacts à documenter.

L’objectif à moyen terme (3/5 ans) est de dresser l’état le plus exhaustif possible des impacts sanitaires, sociaux et économiques des jeux de hasard et d’argent en France.

L’étude « état des lieux » 2012/2013

L’ODJ a retenu, au terme d’un appel d’offres, une équipe de recherche pour conduire cette étude. Il s’agit de l’ UMR912 SESSTIM (Sciences économiques et sociales de la santé & traitement de l'information médicale) INSERM - IRD - Aix Marseille université. Le travail sera réalisé par Sophie Massin, post-doctorante en économie, spécialiste de l’analyse économique des comportements d’addiction.

L’étude, qui a démarré en novembre 2012 va durer un an. Elle comporte 4 phases :

Phase n°1

Cette phase donnera lieu à un document de synthèse des connaissances existantes sur cette problématique (publications dans des revues scientifiques, rapports d’études, analyses de bases existantes) au cours de la période 1990-2011.

Phase n°2

Cette phase comprend la réalisation d’un état des lieux sur les méthodes et la proposition d’une méthode d’approche théorique précisant les hypothèses et les méthodes d’estimation retenues.

Le cadre théorique proposé par Williams et Rehm est à prendre comme base de départ de la réflexion. Il recommande d’évaluer les différents impacts sanitaires, sociaux et économiques des différents types de jeu (du point de vue de l’individu ou de l’Etat) incluant les thématiques suivantes :

  • Les revenus (taxes) et les dépenses (coûts de régulation du secteur des jeux, coût de la prévention et du la prise en charge du jeu problématique …) de l’Etat
  • Les impacts économiques des différents secteurs du jeu (emplois directs et indirects, impacts sur les autres secteurs économiques…)
  • Les impacts sur les revenus des individus (qui y gagne, qui y perd …)
  • Les impacts sanitaires du jeu problématique : suicide, autre morbidité associée
  • Les impacts sociaux du jeu problématique : surendettement, perte d’emploi, perte de productivité, difficultés familiales, criminalité liée …
  • Des analyses secondaires sur les enquêtes nationales de prévalence afin de mieux catégoriser les populations concernées par le jeu problématique.
  • Cette phase donnera lieu un rapport d’étape proposant un modèle théorique, argumentant ce choix et décrivant les conséquences de ce choix sur le recensement des sources de données, nécessaires au modèle choisi, à entreprendre dans la phase n° 3.

Phase n°3

Elle prévoit de recenser les données disponibles utilisables par le modèle choisi ainsi qu’une analyse critique de ces données pour en maitriser l’utilité et les limites.

Ces données pourront être de deux natures : données issues de la littérature scientifique française ou internationale, données produites par le système d’information statistique national (enquêtes ponctuelles ou périodiques, registres nationaux, statistiques administratives …).

En ce qui concerne cette seconde catégorie, un recensement exhaustif de l’existant sera être inclus dans le projet ; chaque source d’information étant décrite au moyen d’une fiche descriptive standard. La structure de cette fiche descriptive doit être incluse dans le document d’étape remis en fin de la phase n°2.

Cette phase donnera lieu à un rapport d’étape comportant trois parties :

  1. une présentation des données disponibles : présentation, utilité limites ;
  2. la formulation de propositions visant à améliorer, dans les cinq prochaines années, les données, existantes en France, nécessaires à l’application d’une telle étude économique ;
  3. une annexe rassemblant l’ensemble des fiches descriptives standards des sources d’information statistiques françaises recensées.

Phase n°4

Cette phase comprend la modélisation sur la base des hypothèses et des méthodes retenues dans la phase 2 et des données disponibles.

Elle donnera lieu à rapport final.

Documents
Rapport d'étape 1
10/01/2014
Rapport d'étape 2
11/06/2013
Rapport d'étape 3
10/01/2014
Rapport d'étape 4
27/06/2014